L’Église Apostolique Arménienne au cours des siècles

 

L’Église Apostolique Arménienne, (en arménien Հայաստանեայց Առաքելական Եկեղեցի, Hayasdaniayts Arakélagan Yéguéghètsi), est une église orthodoxe, membre de la grande famille Chrétienne des églises dites «Églises orthodoxes orientales» et fait partie de l’Église universelle fondée par Jésus-Christ.

 

Elle est apostolique et orthodoxe. Elle est «apostolique» parce que ce sont deux des Apôtres de Jésus Christ, Thaddée et Barthélémy, qui ont prêché le christianisme aux Arméniens et ont établi l’église en Arménie. Notre Église est également appelée « orthodoxe » parce qu’elle est restée fidèle à son culte et à ses enseignements à travers les siècles. Elle continue à adorer le Seigneur dans sa droite ligne d’origine (du grec Ortho-doxe = véritable-louange), conforme à la doctrine.

 

Le christianisme est devenu la religion officielle du royaume d’Arménie en 301, à la suite de la conversion du roi Tiridate IV par Saint Grégoire l’Illuminateur.

 

Le Catholicos, « Patriarche suprême et de tous les Arméniens », chef de l’ Église Apostolique Arménienne qui réside à Etchmiadzine, près d’Erévan en Arménie, bénéficie d’une primauté d’honneur parmi les différents hiérarques chrétiens.

 

Origine de l'Église Arménienne

 

La tradition primitive et constante de l’église arménienne reconnaît donc comme premiers fondateurs, les apôtres Saint Thaddée et Saint Barthélémy, qu’elle nomme de ce fait : Premiers Illuminateurs de l’Arménie. Ceci atteste d’une part son origine ancienne et primitive, et d’autre part son origine directe et autocéphale, sans l’intermédiaire d’une autre église. L’origine apostolique de l’église arménienne constitue donc un fait irrécusable dans l’histoire ecclésiastique.

L’ère Primitive de l'Église Arménienne

 

Le christianisme devint religion dominante en Arménie en 301, au début du quatrième siècle. après avoir été sans cesse en butte aux persécutions. Les quelques faits qui nous ont été transmis par la tradition nationale, auxquels sont venus s’adjoindre les récits des écrivains étrangers, sont plus que suffisants pour prouver l’existence du christianisme pendant cette période. C’est ainsi que nous pouvons mentionner une première tradition jusqu’à la fin du deuxième siècle, donnant une série de sept évêques successifs pour le siège d’Ardaz, à savoir : Zakaria pendant seize ans, Zémentos pendant quatre ans, Adirnerseh pendant quinze ans, Mousché pendant trente ans, Chahèn pendant vingt-cinq ans, Chavarsch pendant vingt ans et Ghévontios pendant dix-sept ans.

 

En effet, la conversion presqu’instantannée de toute l’Arménie au christianisme au commencement du quatrième siècle ne peut s’expliquer que par la préexistence d’un nombre important d’éléments chrétiens établis dans le pays. L’histoire décrit les persécutions religieuses exercées par les rois Ardaschès (Artaxerxes) vers l’an 110, Khosrov (Khosroès) vers 230, et Tiridate (Dertad) vers 287. Elles ne se seraient pas produites s’il n’y avait pas eu, en Arménie, un nombre considérable de chrétiens. C’est au cours de la dernière de ces persécutions qu’eut lieu le martyre de Saint Théodore Salahouni, mis à mort par son propre père, le satrape Sourène.

 

A l’appui de ces données, nous sommes en position de démontrer l’existence du christianisme en Arménie avec un nombre considérable de fidèles au cours des trois premiers siècles, et que ce premier noyau de fidèles a su, par sa constante énergie, venir à bout des obstacles et des persécutions.

Conversion complète de l’Arménie

 

Grégoire était arsacide d’origine et issu des rois parthes. Il eut pour père Anak, de la branche Sourène Bahlav, lequel assassina, au cours d’une chasse, Khosrov le Grand, roi d’Arménie, à l’instigation d’Ardaschir Ier roi de Perse, qui convoitait la possession de l’Arménie. Khosrov, en rendant le dernier soupir, ordonna de mettre à mort Anak et toute sa famille. Grégoire, âgé de deux ans, échappa à ce massacre grâce à Euthalius, frère de sa nourrice, qui le recueillit dans sa demeure à Césarée de Cappadoce. Élevé par les parents de sa nourrice dans les croyances et les pratiques de l’Évangile, il grandit et épousa la fille d’un prince arménien. De cette union naquirent deux fils, Verthanès et Aristakès. Plus tard, les deux époux se séparèrent d’un commun accord, pour se vouer entièrement à Dieu. Grégoire se rendit en Arménie, afin d’y annoncer les vérités du christianisme et réparer par sa conduite, le crime de son père Anak. De même que Saint Grégoire, Tiridate, fils de Khosrov, eut son enfance entourée d’ennemis et exposée aux plus grand dangers. Après la mort de Khosrov, le roi de Perse, Ardaschir qui s’était emparé du trône d’Arménie, voulut faire périr Tiridate, mais ce jeune prince fut sauvé et conduit à Rome, où il fut élevé dans le palais des Césars.

 

Lorsque Saint Grégoire revint en Arménie, à Vagharchabad, ville qui était la résidence des rois, il trouva Tiridate sur le trône où il avait été remis en place par l’Empereur Dioclétien. Un jour, Tiridate offrit un sacrifice à l’une des principales divinités de l’Arménie et remarqua que l’un des présents ne prenait pas part à cette solennité. Il s’agissait de Grégoire. Il le fit approcher et lui commanda de sacrifier. Grégoire, chrétien, refusa. Le roi lui fit alors infliger une série de tourments inimaginables. Après ces tortures qu’il supporta avec une force surhumaine, Grégoire fut jeté dans une fosse profonde, où il demeura enfermé pendant de nombreuses années, oublié de tous. Seule, une pauvre veuve venait lui jeter chaque jour, un morceau de pain. Un évènement qui devait faire éclater la cruauté de Tiridate, sauva Saint Grégoire.

 

Une jeune fille nommée Hripsimée (Ripsimê), vivait à Rome avec plusieurs de ses compagnes, toutes chrétiennes comme elle. Dioclétien, ayant aperçu Hripsimée, fut enflammé par sa beauté et voulut l’épouser. Elle refusa et parvint à s’enfuir avec sa nourrice Gayanée et ses compagnes et vint se réfugier à Vagharchabad, capitale de l’Arménie. Ayant découvert sa retraite, Dioclétien demanda à Tiridate de la lui renvoyer, ou bien de la prendre lui-même pour épouse. Tiridate, séduit à son tour par les attraits de Hripsimée, voulut l’épouser, mais la jeune fille repoussa ses sollicitations. Tiridate furieux, la livra au bourreau avec ses compagnes. Elles furent mises à mort après avoir subi les plus atroces tortures. En punition de ce crime, Tiridate et ses courtisans furent frappés d’un châtiment du ciel. Comme Nabuchodonosor, ils perdirent la raison et devinrent semblables à des animaux immondes.

 

Dans une vision Khosrovitoukhd, soeur du roi, entendit la voix d’un ange qui lui disait que seul Grégoire pouvait guérir son frère. On le fit sortir de la fosse, où on le trouva vivant et en pleine santé. « Je vis, soutenu par mon Seigneur » dit- il. Il rendit la raison et la santé à Tiridate, et lui promit le pardon du Ciel. Il demanda ensuite : « Où sont les agneaux de Dieu ? » Les reliques des saintes filles lui ayant été montrées, il les recueillit, les réunit toutes ensemble, et, les ayant ensevelies, il passa la nuit en prières sur leur tombe. Il vit alors le ciel s’entrouvrir et descendre un rayon de lumière, précédé par une nuée d’anges. Derrière eux se tenait une figure humaine tourné dans la direction de Vagharchabad et tenant à la main un marteau en or. Aussitôt après, le marteau frappa le sol qui s’entrouvrit, les montagnes tremblèrent et, des entrailles de la terre, sortit une clameur effroyable venant de l’enfer. Non loin du palais, s’éleva alors un piédestal en or, en forme d’autel, d’où s’élança une colonne de feu surmontée d’un dôme de nuages sur lequel brillait une croix. Une fontaine d’eau vive coulait sous l’autel, et arrosait une grande étendue de terrain. Tout autour de cet édifice se trouvaient quatre colonnes, dont trois étaient plus hautes et sur tout cet ensemble, resplendissait aussi une lueur en forme de croix. Un ange se montra, et dit que l’édifice surmonté d’une croix avait pour signification, l’Eglise universelle, placée sous l’égide de la croix, car c’est sur la croix qu’est mort le Fils de Dieu. Ce lieu doit devenir un lieu de prière. La colonne de feu et la fontaine expriment le baptême divin qui découle de l’Eglise universelle pour la régénération de l’humanité. « Prosterne-toi » ajouta-t-il, devant la vision miraculeuse que Dieu t’a manifestée, et élève ici une église. L’endroit où Saint Grégoire eut cette vision reçut le nom de “Choghagath”, mot qui signifie diffusion de lumière. Un monastère fût ensuite bâti sur ce même emplacement et fût appelé Etchmiadzine, c’est-à-dire, descente du Fils unique. C’est ainsi que se nomme encore aujourd’hui ce monastère, qui est le siège principal de l’Église Apostolique Arménienne.

 

Le lendemain, le roi vint avec toute sa cour pour trouver Saint Grégoire, qui lui raconta sa vision. Celui-ci érigea une croix sur l’emplacement de cette apparition et déposa les reliques des saintes martyres a l’endroit même où il avait aperçu les trois colonnes de feu; puis, aidé par toute la population de la ville et du roi lui-même, il jeta les fondements de l’église d’Etchmiadzine qui fut construite sous l’invocation des Saintes Hripsimée et Gayanée, ou sous le nom de Choghagath.

 

Les témoignages de cette admirable conversion se trouvent non seulement dans les récits des contemporains et des historiens du siècle suivant, mais aussi dans l’existence de monuments, comme les églises de Sainte Hripsimée, de Sainte Gayanée et de Sainte Marianée ou de Choghagath, construites au IVe siècle, aux environs d’Etchmiadzine (ancienne Vagharschapat), et dans les tombes des vierges martyrisées, ainsi que dans les inscriptions authentiques qui s’y rapportent. Un autre témoignage non moins précieux se trouve également dans l’histoire d’Eusèbe, qui parle de la guerre de l’année 311 que l’empereur Maximin II Daia déclara aux arméniens à cause de leur récente conversion.

 

C’est là que fut institué en l’an 301, le siège patriarcal du Catholicos, ou chef de l’Église Apostolique Arménienne. Des siècles se sont écoulés depuis lors, et cette église, berceau du christianisme arménien, a résisté au temps et, chose remarquable, est restée debout, malgré les dévastations multiplies qu’a subies l’Arménie au cours des siècles, tandis que la capitale du roi Tiridate, la ville de Vagharchabad, n’est aujourd'hui plus qu’un simple village à demi en ruine.

 

La date de la conversion complète de l’Arménie au christianisme, ou de sa proclamation comme religion dominante, est communément fixée à l’an 301, en suivant les études chronologiques les plus précises. Des auteurs récents l’avancent même à l’an 285, mais cela semble peu probable. La date de 301 suffit pour démontrer que l’Arménie a été le premier état du monde à proclamer le christianisme comme religion officielle, par la conversion du roi, de la famille royale, des satrapes, de l’armée et du peuple. La promulgation de l’édit de Milan par l’Empereur Constantin, de tolérance religieuse pour les chrétiens, ne devait avoir lieu que douze ans plus tard, en 313.

 

Le promoteur de cette admirable conversion fut Saint Krikor Partèv (Grégoire le Parthe), surnommé Loussavoritch par les arméniens, c’est à dire l’Illuminateur, pour avoir éclairé la nation par la lumière de l’Évangile. Le roi Tiridate appartenait à la dynastie des Arsacides, d’origine parthe lui aussi, à laquelle se rattachait également le père de Saint Krikor, de sorte qu’un lien de parenté unissait le roi converti au Saint, mais plus que la communauté de sang, la foi les a uni par un lien puissant.

Le cinquième siècle – Siècle d'Or

 

La Christianisation de l'Arménie détermina radicalement le cours de son histoire. La nation arménienne embrassa la religion du Christ sur sa propre terre, là ou le Fils de Dieu lui-même était "descendu" (Etchmiadzine). Cependant, il restait encore beaucoup à faire pour renforcer la foi chrétienne dans le coeur du peuple arménien. Dans cet aspect, l'un des grands dirigeants de l'Église Apostolique Arménienne fut Saint Nersès Ier le Grand (en arménien Ներսես Ա Մեծ, 326-373). Élu à l'unanimité Catholicos en 353, à l'âge de 27 ans, il fut sacré à Césarée comme ses prédécesseurs. Il convoqua probablement aussitôt, le premier Conseil de l'Église arménienne à Achdichat (Taron), qui réorganisa celle-ci. Le Zoroastrisme et le Paganisme y furent interdits, de même que les mariages consanguins ou les anciens rites funéraires. De nombreuses institutions bénévoles (léproseries, orphelinats, etc.) furent mises en place, "bases de la bienfaisance charitable" en Arménie. Ce Conseil marqua également, l'organisation et la croissance du monachisme en Arménie.

 

Comme la foi nouvelle approfondissait ses racines dans la vie de la nation, le besoin d'un alphabet arménien se fit de plus en plus pressant. Jusqu'alors le Grec et l'Assyrien étaient les langues écrites utilisées dans les services de l'Église, à défaut de lettres arméniennes. Ceci posait bien des difficultés pour les fidèles. En 403, le pieux et savant moine Mesrob inventa l’alphabet arménien. Saint Mesrob, dit aussi Machdots (en arménien Մեսրոպ Մաշտոց) est né en l'an 362 dans le village de Hatsegats, région du Daron, en Arménie occidentale et est mort le 17 février 440. Ce que l'on sait de sa vie et de son œuvre vient de son disciple Gorioun. Il eut d'abord des fonctions administratives et militaires à la chancellerie des Arsacides. Il se consacra ensuite à l'état religieux et entreprit d'évangéliser la région de Goght. Convaincu que la conversion des païens serait facilitée par la traduction arménienne des Évangiles, il s'en ouvrit au Catholicos Sahak. L'alphabet inventé par un évêque syrien appelé Daniel, ne lui semblant pas adéquat, Machtots se livra alors lui-même à des recherches en Syrie dans le but de concevoir un meilleur système.

 

Après de longues études et recherches, il créa l'alphabet avec la collaboration du Catholicos Sahag. Les spécialistes placent la date de cette invention entre 392 et 406. Aussitôt après, Saint Mesrob et Saint Sahag, aidés par un groupe de disciples, se mirent a l'oeuvre et achevèrent par la suite la traduction en arménien des Saintes Écritures. Vinrent ensuite les textes bibliques, théologiques et liturgiques des Pères éminents de l'Église. Cette version l’emporte sur toutes les autres versions orientales, par la fidélité et l’élégante simplicité du style. Golius, Hottinger, Piques, Pierre Lebrun et Lacroze en ont apprécié et prouvé l’excellence. Les disciples de Saint Mesrob traduisirent aussi les oeuvres de Saint Basile, Saint Athanase le Grand, Saint Cyrille, Saint Jean Chrysostome et autres Pères, ainsi qu’une partie des livres liturgiques grecs. Dans l'histoire de l’Arménie, cette époque si importante est connue sous le nom de "Siècle d'Or".

 

Vers le milieu du Vème siècle, l'Arménie se vit obligée de faire face aux pressions du roi perse Yazgerd II. Celui-ci avait promulgué un édit ordonnant aux arméniens de renier le Christ et de se convertir au Mazdéisme. Ceux qui voulaient rester fidèles à Jésus-Christ, refusèrent de renoncer a leur foi. Finalement, en l'an 451, sous le commandement de Vartan Mamigonian, les arméniens livrèrent une bataille inégale contre la toute puissante armée perse pour préserver leur foi et leur intégrité. Les arméniens perdirent la guerre et Vartan tomba sur le champ de bataille d'Avaraïr. Les trente années qui suivirent furent une période d'oppression et de résistance jusqu'en 484 où le roi de Perse Perôz, dans un retournement de sa politique, signa un traité de tolérance religieuse avec le chef militaire arménien Vahan Mamigonian et reconnut officiellement le rétablissement de l'Église. Ce fut le traité historique de Nevarsak.

 

L'Église Arménienne et les trois conciles œcuméniques

 

Les conciles œcuméniques (du grec oikouménê "univers" ou "terre habitée") réunissent les évêques du monde entier pour arbitrer sur les questions relatives à la doctrine ou à la discipline. Dans l’Évangile, Actes des Apôtres, chapitre 15, on peut trouver un exemple de concile qui s'est déroulé vers l'an 50 à Jérusalem. Dans l'histoire du christianisme en Arménie, il se tint aussi des conciles régionaux ou locaux, mais seuls ceux qui sont œcuméniques ont une portée universelle. L'église catholique reconnaît 21 conciles œcuméniques. La "Communion orthodoxe" retient les 7 premiers conciles qui se sont réunis avant la séparation de l'Église d'Orient et de l'Église d'Occident en 1054. Les Églises protestantes et l'Église anglicane ne reconnaissent que les 4 premiers conciles. L'Église Apostolique Arménienne, comme les Églises orthodoxes orientales, ne reconnaissent que les 3 premiers conciles œcuméniques.

 

Le premier concile oecuménique fut le concile de Nicée, convoqué en 325, après la reconnaissance de l'Église, par Constantin, Empereur de Rome. 318 évêques, dont notre Saint Patriarche Suprême Aristakès, fils et successeur de Saint Grégoire l'Illuminateur, condamnèrent l’hérésie d'Arius qui refusait de confesser que le Fils de Dieu était de la même substance, de la même puissance et de la même éternité que le Père, mais le considérait comme une simple créature. Le concile établit le symbole de la foi dit symbole de Nicée (Հանգանակ Հաւատոյ).

 

Le deuxième concile œcuménique de l'Église, fut le concile de Constantinople, convoqué par Théodose I, Empereur romain, en 381. Ce concile condamna l'hérésie de Macédonius qui reniait la divinité du Saint-Esprit. Parmi les 150 évêques réunis, l’un était notre Saint Patriarche Suprême Nersès Partèv le Grand, petit fils de Saint Grégoire l'Illuminateur. Ils réaffirmèrent les résolutions adoptées au concile de Nicée I (325), proclamèrent la définition du Saint-Esprit comme étant consubstantiel au Père et au Fils et adoptèrent la proclamation attestant que l'évêque de Constantinople venait en second après l'évêque de Rome, dans l'ordre des préséances.

 

En 431, le troisième concile œcuménique de l'Église chrétienne se tint à Éphèse. Cette assemblée fut présidée par Théodose II, Empereur romain d'Orient, et Valentinien III, Empereur romain d’Occident, pour résoudre la controverse suscitée par la doctrine hérétique du Nestorianisme. Nestorius, patriarche de Constantinople, né à Germanica Césarée (aujourd'hui Kahramanmaras en Turquie) vers 380, refusait de reconnaître le titre de "mère de Dieu" à Marie, mère de Jésus-Christ. Les nestoriens insistaient sur la double nature du Christ, humaine et divine et envisagaient le Christ comme deux personnes réellement séparées, l'une divine et l'autre humaine, qui agissaient en accord l'une avec l'autre. Ils considéraient Marie comme la mère de l'homme Jésus et non du Fils de Dieu. 300 évêques réunis à Éphèse, condamnèrent cette hérésie en 431. Bien qu'invité à ce concile, notre Saint Patriache Sahag Partèv ne pût être présent en personne, et y adressa par lettre sa profession de foi orthodoxe.

 

L'Église Arménienne reconnaît comme Saints, œcuméniques et universels les trois premiers conciles de Nicée (325), de Constantinople (381) et d’Éphèse (431) et les commémore séparément. Elle considère que l'essentiel des dogmes du christianisme a été formulé dans ces trois conciles reconnus par tous, et elle proclame : un seul Seigneur, Jésus-Christ, Fils de Dieu, Sauveur et Marie, Théotokos, c'est-à-dire Mère de Dieu.

Le concile de Chalcédoine - Le premier schisme

 

Le concile de Chalcédoine, convoqué par l'Empereur byzantin Marcien et son épouse, l'Impératrice Pulchérie, s’est tenu du 8 octobre au 1er novembre 451 dans l'église Sainte-Euphémie de la ville éponyme, aujourd'hui Kadıköy, un quartier de la rive asiatique d'Istanbul. Le concile a réuni 343 évêques dont 4 seulement vinrent d'Occident. L'Église Apostolique Arménienne n'a pas participé à ce conseil. Les arméniens écrasés par les perses subissant les conséquences de la défaite d’Avarayr.

 

Dans la continuité des trois conciles précédents, les pères conciliaires s'intéressèrent à divers problèmes christologiques et condamnèrent en particulier, le monophysisme divin d'Eutychès sur la base de la lettre du pape Léon Ier, intitulée Tome à Flavien, nom du patriarche de Constantinople, destinataire de cette lettre. L'évêque de Rome, Léon le Grand, refusa d'accepter le vingt-huitième canon du concile qui, en attribuant à la ville de Constantinople le titre de "Nouvelle Rome", lui accordait, de ce fait, la primauté sur les autres patriarcats. Certaines églises orientales, dont l'Église Arménienne, rejetèrent l'intégralité du concile, créant un schisme qui forma ce que l'on appella les Églises des trois conciles ou "Églises préchalcédoniennes".

 

L'Église Arménienne n'a pas participé à ce concile, mais on peut se demander si elle y fut invitée. On sait seulement que l'Empereur byzantin Marcien, qui convoqua le concile, avait auparavant repoussé la députation arménienne venue lui demander secours contre la persécution perse. L'Église Arménienne a connu de Chalcédoine, la traduction du Tome à Flavien. Dans cette traduction presque outrancière, la distinction des natures (divine et humaine) du Christ semblait une division, et, en lisant le texte, les arméniens ont pensé que Chalcédoine coupait littéralement le Christ en deux. Ainsi, L'Église Arménienne récusa le concile de Chalcédoine (451) dont les formulations doctrinales lui furent transmises d'une manière erronée, leur faisant supposer que les Pères réunis à Chalcédoine enseignaient qu'il y avait dans le Christ, après l'incarnation, "deux natures, deux personnes et deux formes", en sorte que la Trinité elle-même devenait "quaternité". Ainsi présentée, la doctrine de Chalcédoine ne pouvait qu'être condamnée.

 

Quand Justinien jugea bon de reprendre la doctrine de Chalcédoine, les Syriens la présentèrent comme une hérésie, qu'ils condamnèrent au synode de Dvin en 553. De ce fait, l'Église Arménienne se trouva, pour la première fois de son histoire, séparée de l'Église Grecque. Les Byzantins et notamment l'Empereur Maurice en 590, essayèrent en vain de lui imposer leurs positions théologiques par la force des armes. En 653, quand les Arabes conquirent le Caucase, la rupture devint pratiquement irréversible. En 726, au synode de Manazkert, le catholicos Hovhannes III Odznetsi fixa définitivement la doctrine de notre Église.

 

On désigne à tort sous le terme “monophysite” les Églises issues plus ou moins directement du refus des formulations du concile de Chalcédoine. Les églises chalcédoniennes accusaient l'Église Apostolique Arménienne et les Églises orthodoxes orientales, d’adhérer à l'enseignement d’Eutychès l'hérétique monophysite du divin. Ceci est erroné, car l'Église Arménienne rejeta les enseignements d’Eutychès, lesquelles avaient été condamnés par le Concile de Chalcédoine. L'Église Apostolique Arménienne adhère à la doctrine définie par Saint Cyrille d'Alexandrie, considéré comme un Saint par les Églises Chalcédoniennes aussi, lequel décrit le Christ comme étant une nature incarnée, où à la fois le divin et la nature humaine sont unis.

Le Patriarcat Arménien de Jérusalem

 

Au cours des six premiers siècles du christianisme, les arméniens ont constitué une partie importante des milliers de moines qui vécurent dans le désert de Cisjordnie. Ils venaient aussi comme pèlerins en caravanes pour visiter les Lieux Saints. Après sa victoire sur les Byzantins et son entrée à Jérusalem en 638 après J.-C., les arabes modifièrent la situation des Lieux Saints. Cette domination s’accompagna d’un statut souple d’état tributaire avec une liberté de religion et de culte. Ainsi, le calife Omeyyade Omar I (592 –644) accorda, par une charte datée de 638, des droits et des privilèges à l'Église Apostolique Arménienne, garantissant son intégrité et sa sécurité. Le Patriarcat arménien fut ainsi confirmé sur la colline de Sion et un patriarche, nommé Abraham I, fut le premier d’une longue lignée, pour administrer les biens des arméniens. Aujourd'hui, le Patriarcat possède dans la Bibliothèque du Monastère arménien Saint-Jacques de Jérusalem, deux firmans (privilèges écrits), attribués au prophète de l'Islam Mohammed et au Calife Omar, confirmant ainsi les droits des arméniens sur les Lieux Saints.

 

Grâce à la rénovation des routes et à l’amélioration des moyens de transport, le nombre de pèlerins atteignit le chiffre de 8 000 à 10 000 personnes par an. Pendant des siècles, l’accueil, l’hospitalité et le logement de ceux-ci firent partie de la vocation du Patriarcat arménien de Jérusalem.

 

Aujourd'hui, le Patriarcat reste une juridiction autonome de l'Église Arménienne en Terre Sainte. L'église du patriarcat est la cathédrale Saint-Jacques qui date du XIIe siècle et est située au sein du monastère homonyme. Le "Patriarche arménien du trône apostolique de Saint Jacques de Jérusalem" y réside dans le quartier arménien de la vieille ville de Jérusalem. Le titulaire actuel est S. B. Nourhan Ier Manougian depuis le 24 janvier 2013.

L'Église Arménienne entre le VIIème et le XIIème siècle

 

Saint Grégoire et ses successeurs immédiats résidèrent à Etchmiadzine, Saint-Siège de l'Église Arménienne. Toutefois, du fait de problèmes politiques et économiques en Arménie, le siège de l'église fut contraint de se déplacer d’une ville à une autre. En 485, Saint Hovhannès Mandakouni (Catholicos de 478 à 490) l’installa à Dvin, près d’Etchmiadzine, où il demeura jusqu'au début du Xème siècle. Du Xème siècle jusqu'au milieu du XIIème siècle, il fut déplacé plusieurs fois dans diverses villes. Une de ces villes fut Ani, renommée comme ville "des mille et une églises" qui compte plusieurs magnifiques exemples de l'architecture religieuse arménienne.

 

Les arabes, musulmans, envahirent l'Arménie en 640. À la fin du VIIe siècle, la politique du califat Omeyyade envers les chrétiens et la foi chrétienne se durcit. Des représentants spéciaux du calife appelés “vostigans” furent envoyés en Arménie pour la gouverner. Ils siégèrent dans la ville de Dvin, qui avant cela, était la résidence du Catholicos arménien. La plupart des arméniens conservèrent la foi chrétienne. Plusieurs tentatives de conversion des arméniens à la foi musulmane échouèrent. Leur obstination exaspéra le calife Omeyyade Abd al-Malik, qui ordonna en 705 à l'un des vostigans de tuer tous les nakharars arméniens. Plus de 400 membres de la noblesse furent emprisonnés dans l'une des églises de la province de Nakhitchevan. Les portes furent fermées, et l'église incendiée. Les historiens arabes parlèrent de cette période comme de "l'année du grand incendie". Le pape Jean VI déclara : « un océan de larmes inonda l'Arménie ». Un grand nombre d'insurrections échouèrent tout au long du VIIIe siècle, à la suite de ce massacre.

 

L'un des nombreux et célèbres théologiens de cette période difficile de l'église fut le catholicos Saint Jean III d’Odzoun (Hovhannés III Odznétsi, en arménien Յովհաննէս Գ Օձնեցի). Né en 650 et mort en 728, il fut Catholicos de 717 à 728. Surnommé Imasdassèr "le Philosophe", il fut l'auteur de recueils de canons ecclésiastiques et de lettres chroniques, lesquelles forment un véritable code de droit canon. Ses écrits contre les erreurs, ses réformes disciplinaires et liturgiques, démontrent une profonde érudition. Les historiens arméniens le décrivent comme un esprit cultivé, savant et diplomate à la fois, et comme la figure la plus éminente de l'époque.

 

Le théologien suivant le plus extraordinaire de l’église fut Saint Grégoire de Narek (en arménien Գրիգոր Նարեկացի, 950-1010). Né dans le Vaspourakan des Ardzrouni, il passa la plus grande partie de sa vie au monastère de Narek, non loin du lac de Van, près de l'église d'Aghtamar, où il fut notamment enseignant. Moine, poète, et mystique, Saint Grégoire y produisit un testament littéraire remarquable. Son Livre des Lamentations est le chef-d'œuvre de la poésie arménienne médiévale. Dans ses 95 prières, ce livre est un monument de la foi pour les âges, unique dans la littérature chrétienne pour sa riche imagerie, sa théologie subtile, son érudition biblique, et l'immédiateté de sa communication avec Dieu. Pour Naregatsi, le but ultime de l'humanité dans la vie devrait être de parvenir à atteindre Dieu et tout ce qui permettrait à la nature humaine de s'unir avec la nature divine, effaçant ainsi les différences entre Dieu et les Hommes. Par conséquence, les difficultés de la vie terrestre disparaîtraient. Selon lui, l'assimilation humaine avec Dieu est possible non pas par la logique mais par les sentiments. Les nombreux hymnes et écrits théologiques de Grégoire de Narek montrent également son génie. Son influence a marqué la littérature arménienne et se retrouve chez d'autres poètes, comme Sayat-Nova, Yéghiché Tcharents et Barouyr Sévak. Saint de l'Église arménienne et de l'Église catholique, Grégoire de Narek a été proclamé docteur de l’Église le 21 février 2015 par le pape François. Il devient ainsi le 36ème docteur de l'Église catholique.

Le Saint-Siège en Cilicie

 

En raison des invasions et des conditions politiques désastreuses de l'Arménie, beaucoup d'arméniens avaient émigré en Cilicie au cours des XIème et XIIème siècles.

 

En 1116, le Saint-Siège de l'Église Arménienne fut déplacé en Cilicie et en 1149, établi dans la forteresse de Hromkla, puis, en 1292, déménagé à Sis, capitale du royaume arménien de Cilicie. La période pendant laquelle le Catholicossat de tous les Arméniens resta en Cilicie fut particulièrement dynamique pour l'Église Arménienne. Il y eût une intensification des contacts et des relations avec les autres églises, plus particulièrement avec l'Église romaine. L'Église Arménienne vécut également une renaissance dans sa théologie, sa spiritualité et son culte. Ce fut une période fructueuse dans l'établissement du royaume arménien de Cilicie et des dialogues oecuméniques entre l’Empereur romain Manuel Comnenne et le Catholicos Krikor (Grégoire) III, Nersès IV, et Krikor IV.

 

Le plus célèbre et le plus influent Catholicos durant cette période fût Saint Nersès IV Glayetsi, également appelé Chenorhali, le gracieux, (en arménien Ներսէս Շնորհալի, 1102-1173). Il est universellement connu comme grand oecuméniste engagé dans le dialogue avec les Églises grecque et latine. Il produisit un grand nombre d'écrits théologiques et spirituels, entre autres, des hymnes, des prières, des poèmes, des cantiques. Parmi ses œuvres les plus connues, on peut citer l'Élégie, et Lamentation sur la ville d'Édesse. Une autre de ses œuvres, Toukht Enthanragan (épître générale) est une exhortation sur la théologie pastorale et sur la façon dont les chrétiens doivent se comporter. Il comprend également des informations sur la hiérarchie de l'Église Arménienne et de la société et sur les questions de la vie quotidienne à cette époque de l'histoire arménienne de la Cilicie. Un recueil de ses prières quotidiennes, Havadov Khosdovanim, "Je confesse avec foi", a été traduit en 36 langues.

 

Le royaume de Cilicie a été détruit par les Mamelouks-arabes d'Egypte en 1375. Après la chute de la Cilicie Arménienne, les Catholicos sont devenus les dirigeants de la Nation arménienne, assumant la juridiction civile aussi bien qu’ecclésiastique, sur les arméniens de Cilicie.

Le retour du Saint-Siège à Etchmimadzine

 

Au début du XVème siècle, un mouvement grandit dans les cercles religieux pour le retour du Catholicossat au Saint Siège d’origine d’Etchmiadzine, quitté presque mille ans plus tôt. La situation en Arménie était redevenue relativement paisible et il fut considéré que le temps était propice pour ce retour. Le Catholicos Krikor Mousabeguyantz, ne souhaita pas abandonner Sis et la Cilicie où il y avait une importante population arménienne. Il ne s'opposa pas à une élection à Etchmiadzine. En 1441, une assemblée électorale réunie en Arménie procéda à l’élection de Guiragos Virabetsi, Catholicos du Saint-Siège d’Etchmiadzine.

 

De ce fait, à partir de 1441 jusqu’à nos jours, deux Catholicossats co-existèrent sans interruption, chacun avec sa propre juridiction et chacun indépendant. Le Catholicossat de tous les Arméniens avec une juridiction mondiale, et le Catholicossat de Cilicie, avec une juridiction régionale. La primauté du Catholicossat de tous les Arméniens (Saint-Siège d'Etchmiadzine) a toujours été reconnu par le Catholicossat de la Grande Maison de Cilicie.

 

Il faut noter aussi, la création de deux catholicossats locaux : le Siège d’Aghouanie de 79 à 1828, supprimé après la conquête russe du Caucase et le Catholicossat d’Aghtamar, créé en 1113 et éteint lors de la disparition de son dernier catholicos au cours des massacres turcs de 1895 et le trépas de son locum-tenens en 1915.

 

Au cours de la Première Guerre Mondiale, l’Empire ottoman compléta un programme d’extermination physique et morale systématique de toute la population arménienne. En 1915, il n'y eu pas un arménien en Turquie qui n’en fut victime. Les hommes et les jeunes garçons furent envoyés dans des camps de travail puis tués. Les femmes, les enfants et les hommes âgés furent envoyés à la mort. En tout, plus d’un million et demi d’arméniens périrent. La population arménienne de Cilicie fût évacuée en grande partie après l’abandon de la région par la France. La majorité trouva refuge dans les pays du Moyen-Orient, principalement en Syrie et au Liban qui étaient sous mandat français. Le Catholicos de Cilicie, Sahag II (Khabayan), suivit l'exode. De 1921 à 1929 il n'eut pas de résidence permanente. Il parcourut l'ensemble du Moyen-Orient, recueillant des orphelins, visitant les malades, consolant les survivants.

 

Après le génocide des arméniens, le retrait français de la Cilicie (1930) et la prise de contrôle de la zone par la Turquie, il se replia à Alep en Syrie, avant d'aller s'installer à Antélias, près de Beyrouth, au Liban, où fut créé un nouveau siège avec une cathédrale, une résidence, et un séminaire. Après la Seconde Guerre mondiale, le Catholicossat de Cilicie, obtint le droit d'établir sa juridiction sur la Syrie, le Liban, et Chypre, des régions qui avaient appartenu au Catholicossat de Tous les Arméniens et au Patriarcat de Jérusalem. Aujourd'hui, le Catholicos de Cilicie porte le titre de "Catholicos de la Grande Maison de Cilicie". Le titulaire actuel est Sa Sainteté Aram Ier Kéchichian, depuis le 28 juin 1995.

Le patriarcat arménien de Constantinople

 

A la fin du XIVème siècle, Tamerlan, un turco-mongol fondateur de la dynastie des Timourides, conquit une grande partie de l'Asie centrale et occidentale puis envahit la Géorgie, l'Arménie et l'Anatolie centrale qu’il dévasta, massacrant une grande partie de la population de l'Arménie et asservissant plus de 60 000 personnes en Anatolie et au Caucase.

 

Cinquante ans plus tard, le Sultan Mehmed II, âgé de 21 ans, à la tête d’une armée ottomane, fit le siège de Constantinople, capitale de l'Empire byzantin romain oriental qu’il prit au bout de sept semaines, le vendredi 6 avril 1453. La prise de Constantinople et de deux autres importants territoires byzantins peu après, marqua la fin de l’Empire romain qui avait duré presque 1 500 ans. La prise de Constantinople porta gravement atteinte à la chrétienté, car les armées de l’Empire ottoman purent continuer à s’avancer librement en Europe sans avoir à surveiller leurs arrières. Après cette conquête, le Sultan Mehmed II transféra la capitale de l'Empire ottoman d'Édirné à Constantinople.

 

Huit ans plus tard, en 1461, Mehmed II établit le patriarcat arménien de Constantinople. Le premier patriarche fut Hovaguim Ier, un arménien de Boursa que Mehmed II connaissait depuis son enfance. Les arméniens étaient déjà présents dans cette ville depuis l’époque byzantine, mais c’est après, sous l’Empire ottoman, qu’ils vinrent s’installer de plus en plus nombreux dans cette ville devenue capitale impériale.

 

La Constitution nationale arménienne (en turc ottoman: "Nizâmnâme-i Millet-i Ermeniyân") approuvée par l'Empire ottoman était une sorte de «Code des règlements», composé de 150 articles, qui définissait les pouvoirs du Patriarche dans le Millet ottoman. La constitution a aussi créé une nouvelle "Assemblée nationale arménienne" qui avait de larges fonctions. Les responsables musulmans, turcs, kurdes et arabes, ne collectaient pas les impôts dans les villages arméniens. Ceux-ci étaient collectés par des percepteurs arméniens nommés par l'Assemblée nationale arménienne. Les arméniens étaient autorisés à établir leurs propres tribunaux pour rendre la justice et régler les litiges entre arméniens et décider entre eux, de toutes les questions relatives au mariage, au divorce, aux successions, aux héritages, etc. Les arméniens obtinrent même le droit de créer leurs propres prisons. L’Assemblée nationale arménienne eut également le pouvoir d'élire le gouverneur arménien par un conseil législatif arménien local. Plus tard, lors de la deuxième ère constitutionnelle, les conseils participeront aux élections. Les Conseils législatifs arméniens locaux étaient composés de six arméniens élus par l'Assemblée nationale arménienne.

 

A la suite du génocide, la place et l’autorité du patriarcat arménien fût très réduite. Le Catholicos arménien de Sis partit pour le Liban, alors qu’il n’y avait plus de patriarche arménien officiel à Constantinople. Le patriarcat arménien fut restauré sous la République de Turquie, mais son fonctionnement fut limité en application de la politique gouvernementale sur les minorités. Avec le traité de Lausanne (1923), la Turquie moderne accepta son existence, en limitant ses fonctions au domaine strictement religieux, conformément au principe de laïcité. Le patriarcat prit alors le nom officiel de Patriarcat des Arméniens de Turquie.

 

La suprématie du Catholicos d’Etchmiadzine est reconnue par le clergé arménien de Turquie mais les églises arméniennes de Turquie sont sous l’autorité du patriarcat arménien d’Istanbul. Ces églises sont en majorité situées à Istanbul ou dans les alentours, avec quelques unes disséminées en province : Césarée/Kayseri, Dikranaguerd/Diyarbékır, Dérik (Mardin), et trois autres autour d’Antioche/Hatay.

 

Malgré des difficultés et des tensions occasionnelles, le patriarche arménien continue à être souvent mis en avant, comme principal porte-parole du peuple arménien en Turquie, signe de la visibilité des minorités dans ce pays.

 

 

Entre la constitution et le Bologénié

 

Au début du XIXe siècle, les arméniens se sont trouvés encore une fois, dans une zone de combats, cette fois-ci entre l'Empire russe et la Perse. La guerre Russo-Persique (1826-28) se termina par le traité de Turkmantchaï entre la Perse et l'Empire russe. Par ce traité, l'Empire perse, connu aujourd'hui sous le nom d'Iran, perdit ses territoires septentrionaux, majoritairement peuplés d'arméniens et d'azéris.

 

Dans l’Empire russe, le statut des communautés fut réglé par le Bologénié, règlement imposé le 11 mars 1836 par la Russie à l'Église arméno-géorgienne dite "grégorienne" comprenant 10 chapitres et 140 articles. Le Bologénié définissait le statut de l’Église Arménienne au sein de l’Empire russe. Bien que le tsar y soit proclamé autorité suprême, le règlement reconnaissait le caractère autocéphale de l’Église Arménienne et le rôle spécifique joué par celle-ci dans la réunification des arméniens du Caucase et au-delà, en l’absence de structure étatique.

Le génocide des arméniens en 1915

 

Au début du XXème siècle, le Catholicos Kévork V présenta au tsar Nicolas II, une demande de protection des arméniens de Turquie. Après ses échecs subis en Extrême-Orient en 1905, le régime tsariste entendit donner de nouveau la priorité aux Balkans et à l’adversaire ottoman et se disposa à jouer de nouveau la carte arménienne pour affaiblir son adversaire traditionnel, d’autant plus que l’alliance conclue depuis 1907 avec l’Angleterre semblait créer des conditions plus favorables à ses ambitions, au moment où l’Allemagne de Guillaume II développait rapidement son influence en Turquie. Les Russes furent encouragés à agir par le Bureau national arménien de Tiflis, par le patriarcat arménien de Constantinople et par leur allié français.

 

Le 8 février 1914, par un accord conclu avec la Russie, le gouvernement "Jeune Turc" dirigé par le triumvirat Enver, Djémal et Talaat Pacha, fut contraint d’accepter un projet de réforme supprimant les six vilayets orientaux qui étaient remplacés par deux provinces anatoliennes auxquelles étaient rattachées le vilayet de Trébizonde. Elles étaient placées sous l’autorité d’inspecteurs étrangers (Hoff et Westenenk, un Norvégien et un Hollandais) chargés de vérifier l’application des réformes. Ils devaient se rendre sur place en avril, quelques mois avant le déclenchement de la guerre européenne.

 

Au moment du premier conflit mondial, 1 783 000 arméniens furent recensés en Transcaucasie russe dont 690 000 dans le district d’Erévan où ils représentaient 60 % de la population (chiffres de 1917). Tiflis, la capitale géorgienne, comptait alors plus de 200 000 arméniens. Dans l’Empire ottoman, il y avait, en 1912, 2 100 000 arméniens, dont 1 018 000 dans les six vilayets anatoliens (contre 2 660 000 et 1 630 000 en 1882).

 

En juillet 1914 au Congrès du parti dachnak à Erzeroum, les dirigeants du parti affirmèrent que les arméniens resteraient simplement loyaux à la Turquie en cas de guerre alors que des envoyés du Comité Union et Progrès voulaient qu’ils appellent à l’insurrection de l’Arménie russe.

 

Début janvier 1915, la IIIe armée turque commandée par Enver Pacha fut anéantie à Sarikamich. La défaite fut exploitée contre les arméniens.

 

Fin janvier 1915, soldats et gendarmes arméniens furent privés de leurs armes et réunis en bataillons de travail, employés à des corvées ou à des travaux de terrassement et de voirie. Ces groupes de quelques dizaines d’hommes furent petit à petit exécutés discrètement. Dans le même temps, tous les fonctionnaires arméniens furent congédiés et leurs passeports intérieurs retirés.

 

En avril 1915, les déportations commencèrent à Zeitoun et dans les régions du Taurus, loin du théâtre des opérations. Le prétexte fut la révolte des arméniens de Van contre les massacres perpétrés par le gouverneur turc. Les rebelles, sur le point d’être écrasés, furent sauvés à la mi-mai par l’arrivée des troupes russes.

 

L'arrestation à Constantinople des intellectuels et des notables arméniens, 650 en tout, se passa le 24 avril 1915. Ils furent emprisonnés puis déportés et assassinés au cours des mois suivants. Le Comité Union et Progrès turc justifia la rafle en dénonçant un "complot" arménien évidemment imaginaire. Dans les semaines qui suivirent, la déportation fut méthodiquement organisée dans les vilayets de Trébizonde, Erzeroum, Bitlis, Diyarbekir, Kharpout et Sivas. Les notables et les hommes jeunes, arrêtés et exécutés. Le reste de la population fut organisée en convois de femmes, d’enfants et de vieillards qui iront mourir de faim, de fatigue ou de mauvais traitements subis tout au long des "marches de la mort". Face aux protestations des gouvernements de l’Entente qui furent rapidement informés, le gouvernement Jeune Turc prétexta de la "collaboration" des arméniens avec l’ennemi russe pour justifier sa politique. Sur les 1 200 000 arméniens des vilayets d’Anatolie orientale, 300 000 gagnèrent la Russie en profitant notamment, dans le vilayet de Van, des succès remportés par les armées du tsar en 1915. On évalue à 200 000 le nombre de femmes et d’enfants enlevés et islamisés. Pour le reste, ils ne seront que 50 000 à atteindre Alep où devaient se rejoindre les colonnes de déportés.

 

A la fin de juillet 1915, le gouvernement turc mit en œuvre, en Cilicie et en Arménie mineure, la deuxième phase de son programme de déportation et d’extermination. Là aussi, d’interminables colonnes furent conduites vers Hama, Homs ou Deir es Zor pour être rassemblées dans des camps de concentration. Tout fut terminé à la fin de 1915 en ce qui concerne le "transfert" des populations mais ce n’est qu’au printemps 1916 que furent consommés les derniers massacres; c’est à ce moment là que les déportés de Deïr es Zor, furent abandonnés dans le désert sans eau ni nourriture pour y mourir de faim et de soif. Dans le Djebel Musa, quelques milliers d’arméniens réussiront à résister et seront récupérés par des navires de l’Entente qui les conduiront en Égypte. Le génocide ainsi perpétré entraîna la disparition d’au moins un million et demi de victimes.

 

En 1912-1913 le Patriarcat arménien d'Istanbul avait présenté un compte rendu des églises et des monastères d'Arménie occidentale dans l'Empire ottoman. Plus de 2 300 furent comptabilisés, incluant les premiers monuments chrétiens des IV-Vème siècles. La plupart d'entre eux furent pillés, incendiés et détruits au cours du génocide. En 1974, l'UNESCO déclara que, après 1923, sur 913 monuments historiques arméniens existant dans l'Est de la Turquie, 464 avaient disparu complètement, 252 étaient en ruines, et 197 avaient besoin de restauration complète.

 

Fondée en 1611 par des familles arméniennes fuyant les révoltes Djelali. Armache devint le siège du premier prélat arménien de Baron-Ter Izmid, l’évêque Markos (1697-98). Le monastère de la Sainte Mère de Dieu fut construit au cours du XVIIème siècle et fut l’objet de rénovations au cours du XVIIIème. Au début des années 1800, les dirigeants de l'église avaient également créé une école et un référentiel de manuscrits. Le monastère de la Sainte Mère de Dieu fut incendié pendant la brève lutte entre le sultan ottoman et le corps des janissaires rebelles. Il fut reconstruit peu après.

 

Un séminaire, qui était l’unique séminaire arménien dans l'ouest de l'Anatolie, était situé à côté de l'abbaye. Parmi d'autres écoles secondaires, le séminaire d’Armache était considéré comme l'un des plus remarquables établissements arméniens dans l'Empire ottoman. Le Patriarche de Constantinople Maghakia Ormanian et le patriarche de Jérusalem Yéghiché Tourian furent tous les deux doyens du séminaire.

 

Au cours du génocide des arméniens, la population arménienne d’Armache fut encerclée par les autorités ottomanes et envoyée vers les marches de la mort en Syrie. Le séminaire fut pillé de tous ses biens inestimables et le monastère de la Sainte Mère de Dieu, démoli et remplacé plus tard par une mosquée. Un grand nombre de diplômés du monastère qui "étaient devenus primats ou évêques diocésains dans les provinces de l'Arménie turque" périrent également durant les marches de la mort.

Les sept catholicoï du XXème siècle

 

Au début de la troisième décennie du XXème siècle, l'Église Arménienne fut divisée entre l'Église de l'Est de l'Arménie sous le gouvernement soviétique et dans l'Ouest sous la législation de la domination turque. Pendant plus de 6 décennies, l'Église Arménienne dût traverser une période de persécutions et d'inactivité. Seules les diasporas purent garder leur autonomie.

 

1. Meguerdich Khrimian

 

Meguerdich Khrimian (en arménien: Մկրտիչ Խրիմեան, 4 avril 1820 - 27 Octobre 1907) est né à Van le 4 avril 1820. En 1854, il fut ordonné prêtre et entra au monastère d'Aghtamar. En 1857, il prit la tête du Daron et devint doyen du séminaire de Saint Garabet. En 1858, il installa une imprimerie à Varagavank à Van, et par la suite lança 'Vaspourakan Ardziv' (l’aigle du Vaspourakan), qui est considéré comme la première publication périodique arménienne en Arménie.

 

La même année, il envoya de l’aide à la population affamée de Van où il commença à servir comme prélat avec son siège à Varagavank et y fonda un orphelinat. En 1885, il fut rappelé à Constantinople où les autorités turques décidèrent de mettre un terme à ses activités et l’exilèrent à Jérusalem.

 

En 1892, il fut élu à l'unanimité Catholicos de Tous les Arméniens sous le nom de Meguerditch I et s’installa au Saint-Siège d'Etchmiadzine comme chef de l'Église Apostolique Arménienne. En raison de son amour paternel et de son dévouement pour tous, Meguerditch Khrimian fut affectueusement surnommé "Khrimian Hayrig", ce qui signifie "Petit Père Khrimian" en arménien. Il consacra sa vie à améliorer le sort du peuple arménien et plus particulièrement celui des paysans de l'ouest de l'Arménie.

 

En 1903, le gouvernement tsariste de la Russie impériale ordonna la confiscation de toutes les propriétés éducatives et ecclésiales des arméniens. Khrimian Hayrik mena une lutte héroïque contre cette décision. Il obtint succès en 1905 quand le tsar décréta la rouverture des écoles arméniennes et la restitution des propriétés de l'église. En 1907 le décès du Catholicos Khrimian laissa toute la nation dans un grand deuil.

 

 

2. Matthieu II Izmirlian

 

Matthieu II Izmirlian, (en arménien: Մատթէոս Բ. Իզմիրլեան Կոնստանդնուպոլսեցի; 22 février 1845 - 11 décembre 1910) est né en 1845 à Constantinople et baptisé Siméon Mardiros Izmirlian (Սիմեոն Մարտիրոսի Իզմիրլյան). Il fut ordonné prêtre en 1869 et servit comme secrétaire personnel du Patriarche Meguerditch Khrimian lorsque ce dernier était encore patriarche de Constantinople au début des années 1870. Il fut élu en 1872 secrétaire du conseil religieux arménien de Constantinople et élevé au grade de "dzayrakouyn vardapet" (archimendrite suprême) en 1873. Il fut ensuite sacré évêque en 1876 et élu patriarche de Constantinople en 1894. Son insistance sur les réformes démocratiques et les droits des arméniens dans l'Empire ottoman ainsi que ses protestations contre les massacres hamidiens contre les arméniens en 1894-1896 lui valurent le titre de "Patriarche de fer". En raison de son activisme, les autorités ottomanes le détrônèrent de son titre de patriarche de Constantinople en 1896 et l’exilèrent lui aussi à Jérusalem. Il retourna brièvement d'exil en 1907 et fut réélu Patriarche de Constantinople pendant quelques mois. En 1908, après la mort du Catholicos Khrimian Hayrig, il fut élu Catholicos de Tous les Arméniens, sous le nom de Matthieu II et alla à Etchmiadzine pour sa consécration. Il occupa ce poste pendant près de trois ans avant de rendre son âme à Dieu. Il a été un auteur prolifique et publié de nombreux ouvrages, notamment en 1881, un livre volumineux sur l'histoire de l'Église Arménienne et le Catholicossat de Sis et d'Aghtamar.

 

 

3. Kévork V de Tiflis

 

Kévork (Georges) V de Tiflis (en arménien: Գևորգ Ե Սուրենյանց; 28 août 1847, Tbilissi - 8 mai 1930, Etchmiadzine) a été consacrée prêtre régulier (célibataire) en 1872 et sacré évêque en 1882. En 1894, il devint primat de Géorgie. En 1907, il fut nommé assistant du Catholicossat au Saint-Siège d'Etchmiadzine et élu Catholicos de Tous les Arméniens en 1911, poste qu'il occupa pendant deux décennies jusqu'en 1930.

 

Il assista impuissant au génocide des arméniens de l’Empire ottoman et était Catholicos de Tous les Arméniens lorsque la République démocratique d'Arménie fut créée en mai 1918. Il soutint les diverses campagnes militaires, refusant de déplacer le siège du catholicosat d'Etchmiadzine vers un endroit plus sûr. Il vécut ensuite le début des persécutions bolchéviques contre toutes les églises et prit le surnom de "Vechdali" (l’affligé). Il réorganisa l’Église Apostolique Arménienne, abolit le Bologénié, créa le Conseil Spirituel Suprême en 1924 puis édicta la constitution canonique du 22 octobre 1925 toujours en vigueur aujourd’hui. Après sa mort en 1930, le trône resta vacant de 1930 à 1932.

 

 

4. Khorène I de Tiflis

 

Khorène I de Tiflis (en arménien Խորեն Ա Մուրադբեկյան Տփղիսեցի) est né en 1873 à Tbilissi et baptisé Alexandre Hovhannès Mouradbeguian (en arménien Ալեքսանդր Յովհաննէսի Մուրադբեկյան). Depuis 1929, les assauts de l'autorité communiste soviétique du régime de Staline s’étaient amplifiés contre l'Église Apostolique Arménienne. Lorsque la pression politique s’atténua momentanément dans les années qui suivirent pour améliorer les relations du pays avec la diaspora arménienne, Alexandre Mouradbeguian devenu archevêque fut élu Catholicos sous le nom de Khorène I. Au cours des années trente, les Soviétiques renouvelèrent et aggravèrent leurs attaques contre les Églises chrétiennes et l'Église Apostolique Arménienne. Ce qui aboutit à l’assassinat du Catholicos Khorène I en 1938, après six années très difficiles. A sa mort, les autorités communistes fermèrent le Catholicossat d'Etchmiadzine. L'Église Arménienne survécut clandestinement en Arménie et put se maintenir dans la diaspora arménienne. Le trône demeura vacant encore une fois pour une période plus longue de 7 ans, de 1938 à 1945.

 

 

5. Kévork  VI

 

Kévork (Georges) VI est né le 2 décembre et mort le 9 mai 1954. Lorsque Staline en personne, ordonna l’assouplissement des restrictions contre la religion, l'élection d’un nouveau Catholicos de Tous les Arméniens fut finalement autorisée. L’archevêque Kévork Tcheurekdjian pu revenir à Etchmiadzine. Il tint lieu de Catholicos en 1941 et engagea l'Église Apostolique Arménienne dans la lutte "patriotique" contre les nazis. Ce qui provoquera, en Arménie comme ailleurs, une entente officielle entre l'Église et l'Etat, qui se traduira par le rétablissement des conditions essentielles au fonctionnement de l'Église : rouverture du séminaire d'Etchmiadzine, de quelques églises et monastères, et sacre d'une dizaine d'évêques. Sous le régime soviétique, la presse loua S.S. Kévork VI comme étant l'un des plus remarquables partisans de la "lutte pour la paix". Le Catholicossat devint un auxiliaire précieux de la propagande du pouvoir soviétique. C'est sous son pontificat que fut lancé le conflit du Catholicosat d'Etchmiadzine contre le Catholicossat de Cilicie. Kévork VI décéda en 1954 et l'Etat soviétique lui consentit des funérailles quasi nationales eu égard à ses "activités patriotiques".

 

 

6. Vazkèn I

 

Vazkèn I (en arménien: Վազգէն Ա, 20 septembre 1908 - 18 août 1994) est né Levon Garabed Baldjian à Bucarest, fils unique d'une famille d'artisans arméniens de l'Empire ottoman émigrée en Roumanie après les massacres de 1895. Il débuta sa carrière comme philosophe, avant de devenir docteur en théologie et membre du clergé arménien local. En 1943, il fut sacré évêque, puis Primat de l'Église Arménienne de Roumanie. Il fut élu Catholicos de l'Église Apostolique Arménienne à l’unanimité en septembre 1955 et eut un des plus longs règnes du Catholicossat. S.S. Vazkèn I fut le dernier catholicos de l'ère soviétique. Il fut le premier catholicos à rendre de nombreuses visites pastorales dans la diaspora et à relancer les relations oecuméniques en particulier avec S.S. le Pape Paul VI au Vatican, le 8 mai 1970.

 

Au cours de sa longue carrière comme Catholicos, il réussit à obtenir une certaine indépendance pour son église en face des règles totalitaires soviétiques en d'Arménie. Il vécut assez longtemps pour voir la liberté religieuse restaurée par le gouvernement national d'Arménie en 1991 lors de l’indépendance.

 

Il s’occupa beaucoup à faire restaurer d’anciennes églises arméniennes et à relancer les institutions de l'Église. Ce qui lui donna le surnom de Bâtisseur. Il a pu rassembler un certain nombre de trésors de l'église en créant le musée Alex Manoogian du Saint-Siège d'Etchmiadzine. S.S. Vazkèn I intensifia les contacts avec l'Église catholique arménienne, dans l'objectif de réunir les deux ailes du christianisme arménien. Il rendit son âme à Dieu le 18 août 1994, après avoir souffert d'une longue maladie.

 

 

7. Karékine I

 

Karékine I, ou Nechan Sarkissian est né le 27 août 1932 à Kessab en Syrie, où il a fréquenté l'école élémentaire arménienne. En 1946, il fut admis au séminaire théologique arménien de Cilicie et ordonné diacre en 1949. En 1952, après avoir obtenu son diplôme, il a été ordonné prêtre régulier (célibataire) et renommé Karékine. Il devint membre du atholicossat arménien de Cilicie.

 

En 1955, il présenta sa thèse sur " La théologie de l'Église Arménienne, selon les hymnes liturgiques et charagans " et promu vartabèd. Il poursuivit ses études supérieures en théologie pendant deux ans à l'Université d'Oxford au Royaume-Uni et écrivit "le Concile de Chalcédoine et l'Église Apostolique Arménienne". Ce travail a été publié en 1965 à Londres. A son retour au Liban, il occupa le poste de doyen de l'école monastique.

 

A partir de 1963, il devint assistant du Catholicos "Khorène I" de Cilicie, chargé des responsabilités œcuméniques. Il fut observateur au Concile Vatican II, à la Conférence de Lambeth de 1968 et à la Conférence d'Addis-Abeba des chefs des Églises orthodoxes orientales. Il a donné des conférences sur la théologie, la littérature, l'histoire et la culture arménienne dans des universités à Beyrouth, en Roumanie, à Moscou et à Kotayyam (Inde).

 

En 1963 il fut nommé archimandrite suprême, et sacré évêque par le Catholicos Khorène I, le 19 janvier 1964. En 1971, il fut élu prélat du diocèse de la nouvelle Djoulfa à Ispahan (Iran). En 1973, il reçut la dignité d'archevêque et nommé Délégué Apostolique de l'Église Apostolique Arménienne d'Amérique (Est). En 1975 il en devint primat.

 

En 1977, il devint Catholicos-coadjuteur jusqu'à la mort du Catholicos Khorène I en 1983 auquel il succéda sous le nom de Karékine II. La même année, il s’installa en Cilicie. Il porta tout spécialement son attention sur l'éducation religieuse, la modernisation et le développement du séminaire théologique. Les facettes importantes de ses activités furent ses visites pontificales, pastorales et oecuméniques.

 

En 1989, il fut élu président honoraire du Conseil des Églises du Moyen-Orient. S.S. Karékine II a écrit plusieurs livres et brochures en arménien, anglais et français et publié de nombreux articles et études théologiques, arménologiques, philosophiques, éthiques ainsi que littéraires dans des périodiques. Il fit également de fréquentes visites en Arménie et exprima sa solidarité en visitant les zone frappées par le séisme de 1988 avec le Catholicos Vazkèn I.

 

Après le trépas du Catholicos Vazkèn I en 1994, le Catholicos Karékine II Sarkissian fut élu Patriarche suprême et Catholicos de Tous les Arméniens par une assemblée ecclésiastique nationale de 450 délégués et devint S.S. Karékine I, étant le premier patriarche suprême avec ce prénom à Etchmiadzine. En novembre 1998, S.S. Karékine I dut suivre un lourd traitement contre le cancer à New York. Il nomma l’archevêque Karékine Nersessian, devenu plus tard Karékine II, Vicaire Général. S.S. Karékine I décéda le 29 juin 1999.

Une nouvelle phase d'espoir

 

L'Arménie a déclaré sa souveraineté sur l'Union Soviétique le 23 août 1990. Dans le sillage du coup d'état d'août, un référendum a été organisé sur la question de la sécession. Grâce à un vote massif en faveur de la pleine indépendance, celle-ci a été déclarée le 21 septembre 1991. Avec l'indépendance de l’Arménie, une nouvelle phase d'espoir et de reconstruction a débuté dans l'histoire de l'Église Apostolique Arménienne.

 

Les premières années de cette période furent dirigées par Sa Sainteté Vazkèn I jusqu'à sa mort en 1994 et par Sa Sainteté Karékine I entre 1994-1999, conduisant à l'élection du Catholicos Karékine II.

 

Le Catholicos Karékine II est né Guedridj Nersessian à Voskéhad le 21 août 1951 en Arménie. Il entra au Séminaire Kévorkian de théologie à Etchmiadzine en 1965 et obtint son diplôme avec les honneurs en 1971. Il a été ordonné diacre en 1970, et prêtre en 1972. A la fin des années 1970, grâce aux encouragements du Catholicos Vazkèn I, il a poursuivi ses études théologiques à Vienne, à l'Université de Bonn, et à Zagorsk en Russie. Le 23 octobre 1983, il a été sacré évêque à Echmiadzine, puis élevé à la dignité d’archevêque en 1992.

 

En 1988 Karékine a pris un rôle actif pour aider son peuple à surmonter le tremblement de terre d’Arménie. Il a supervisé la construction d'un certain nombre d'églises et d'écoles en Arménie. Il a également montré un grand intérêt dans l'utilisation des technologies modernes, des télécommunications dans la vie de ses églises, ainsi que pour abolir l'héritage de l'ère soviétique. Le 27 octobre 1999, il fut élu Catholicos de Tous les Arméniens au Saint-Siège d'Etchmiadzine, succédant à S.S. Karékine I.

 

L'année 2001 a été riche en rites et cérémonies religieuses dédiés au 1 700ème anniversaire de l'adoption par l'Arménie du christianisme comme religion d'État. Cela fut une année pleine de cérémonies religieuses, scientifiques et culturelles à l'échelle mondiale. Dans le cadre des célébrations du 1 700ème anniversaire, de nombreuses conférences ont eu lieu, des expositions ont été ouvertes et des pèlerinages ont été organisés pour les sanctuaires sacrés ainsi qu'un certain nombre de livres et d'albums ont été publiés. Une bénédiction du Saint Chrême, de l'huile sainte (Muron) a été faite (renouvelée en 2015). La cathédrale Saint Grégoire l'Illuminateur d'Erevan a été consacrée, des ordinations épiscopales ont eu lieu et de nombreux chefs religieux et chefs d'État sont venus pour honorer l'Église Apostolique Arménienne. Depuis le début de son règne, Sa Sainteté Karékine II accorde une grande attention à l'organisation de la Congrégation du Saint-Siège d'Etchmiadzine. Des réunions récurrentes de la Congrégation ont été organisées pour discuter des différentes questions concernant le rôle de l'Église Apostolique Arménienne dans la vie sociale et l'activité du monastère.

 

Grâce à ses efforts dans l'amélioration de la formation du clergé, il y a maintenant trois séminaires en Arménie qui préparent des dizaines de religieux chaque année. En 2001-2002, le Séminaire théologique Kévorkian a acquis le statut d'accréditation d'un haut niveau de scolarité et d’institution religieuse. En prenant en considération les nouvelles formes d’éducation et après avoir actualisé ses programmes éducatifs, Sa Sainteté Karékine ΙΙ, en coopération avec le ministère de l'éducation de la République d'Arménie, a mis à niveau le séminaire pour atteindre le statut d'une université religieuse. Sa Sainteté, conscient de la nécessité d'avoir des membres du clergé bien préparés pour répondre aux divers besoins de nos fidèles à l'échelle mondiale, a lancé un programme d'envoi de membres de la congrégation à l'étranger afin de poursuivre leur éducation théologique dans des établissements d'enseignement supérieur.

 

En 2006, le Catholicos a fait une visite en Turquie à Istanbul, pour se concerter avec le Patriarche oecuménique Bartholomée Ier et visiter la communauté arménienne. Au cours de sa visite, il a suscité une controverse en s'exprimant sur le génocide des arméniens et en insistant sur sa reconnaissance par la Turquie, ce que la Turquie nie catégoriquement.

 

Karékine II est très activement impliqué dans la vie oecuménique de l'Église. Ses relations avec le Pape Jean-Paul II ont été généralement positives. Les délégués à la 10ème Assemblée Générale du Conseil mondial des Églises qui a eu lieu à Busan en Corée du Sud le 4 novembre 2014 l’ont élu à l'unanimité chef de l'organisation pour les huit prochaines années.

 

Sous la direction de Sa Sainteté Karékine II, l'Église joue un rôle social croissant en Arménie. Il organise des soupes populaires et aide les orphelins. Il prend en charge les personnes frappées par la pauvreté, et étend son action spirituelle dans les prisons et dans l'armée. L'Église Apostolique Arménienne continue de construire des centres chrétiens pour la jeunesse et des écoles du dimanche dans toute l'Arménie. Aujourd'hui, l'Église Apostolique Arménienne se remet progressivement en place dans la société en Arménie et dans le monde.

 

Le 23 avril 2015, leurs Saintetés Karékine II et Aram I, ont canonisé toutes les victimes du génocide des arméniens de 1915.